Il n'était pas une créature vilaine, il n'était pas une créature mauvaise. Il n'aimait pas spécialement l'ombre, mais il ne voyait pas d'autres endroits où il pouvait aller. Dès qu'il se mettait dans la lumière perpétuelle du monde des rêves, il finissait toujours par faire fuir toute la population. Il avait essayé de cacher son visage, mais son allure rachitique n'avait fait qu'apeurer les pauvres habitants des rêves. Il se fichait bien de faire peur aux rêveurs, il n'était là que pour un temps, mais les habitants des rêves étaient constamment à marcher là où il ne pouvait malheureusement plus aller. Il souffla un peu, seul dans son coin. Assis à même le sol que son humeur maussade avait gelé. Tout autour de lui, l'air était humide, irrespirable, comme s'il tentait de tuer tout ceux qui osaient s'approcher d'un peu trop près de lui. La déprime. Cela lui prenait souvent lorsqu'il réalisait à quel point il était mal aimé. La peur n'inspirait pas le respect, il n'inspirait que la solitude, et il en était la triste victime. Il finit pas s'allonger pour fixer le plafond de la galerie. Il ferma ses yeux, et tout doucement il commença à flotter. Il tourna un peu sur le côté, puis fit un tour complet. Il recommença encore et encore jusqu'à ce que sa tête lui fasse perdre l'équilibre, et se retrouva à sourire dans la pénombre comme un idiot. L'air autour de lui se fit plus chaud, et il lui sembla que le pan de galerie qu'il occupait s'éclaira un peu. Une fleur pourra sur le sol, et il la ramassa malgré ses protestations pour la glisser dans ses cheveux. Qu'il devait avoir l'air ridicule ! Avec ses yeux globuleux et cernés, trop clair pour être réels, ses cheveux ternes et trop longs, son visage rachitique où l'ont pouvait presque apercevoir la forme de ses dents à travers sa joue, et sa fleur délicate plantée juste au dessus de son oreille. Celle-ci enroula sa tige en des arabesques artistique pour décorer son oreille et une partie de son cou, ne semblant pas réaliser la laideur qu'il inspirait. Son sourire de fana un peu, et autant en fit la fleur, perdant peu à peu de ses couleurs éclatantes. Comment réussissait-il toujours à louper ce qu'il faisait ? Il détacha délicatement la plante de son oreille, et la reposa sur le sol où elle y planta ses racines. Elle sembla ronronner un instant avant de s'immobiliser, comme endormie. Il se rassit sur le sol, en tailleur, et s'appuya contre le mur de pierre et de boue derrière lui. Aah. Il se laissa doucement glisser jusqu'à se retrouver les jambes en l'air de l'autre côté de la galerie. Il était bien trop seul, et il ne supportait plus cela. Il envisagea un instant de remonter pour faire connaissance avec les habitants des rêves, mais il n'avait pas envie de s'infliger une énième déception. Il resta alors à même le sol, s'ennuyant comme il le faisait tout les jours depuis qu'il était né. Si seulement il avait eu l'âme pour en profiter.

Seul, apparemment, il ne l'était plus. Il leva doucement ses yeux pour en apercevoir une autre paire. Des grands yeux et un grand sourire flottant dans les airs. Il aurait pu être effrayé, trouillard comme il était, mais il savait bien qui se trouvait en face de lui. Il lui sourit alors, content d'avoir un peu de compagnie qui n'allait pas s'enfuir dès qu'il poserait les yeux sur lui. « Tout ça c'est une histoire de flamant bleu. » Il ne comprenait jamais rien à ce qui sortait de la bouche de ce chat. Peut être était-ce de sa faute, lui qui ne parlait jamais à personne, ou bien était-ce de la faute de Cheshire, ce chat qui ne semblait pas être quelqu'un de très sain dans son esprit. Il fit le reste de l'autre apparaître peu à peu, et il du avouer qu'il s'en trouva beaucoup moins mal à l'aise. Il l'entendit encore dire quelques phrases alors qu'il se levait tout en s'époussetant un pu. « Cheshire, ravi de te voir ! » s'exclama-t-il tout en ramassant une sorte de papillon de nuit mélangé à une chauve souris accrochée la tête en bas sur le plafond de la galerie. Il cala les petites pattes sur ses doigts blancs, fins et un peu tordu, et la tendit à la jeune femme. « Un petit cadeau » Homme, femme, enfant ou bien autre chose, il n'avait jamais su comment considérer Cheshire. Mais il avait toujours beaucoup aimé offrir des cadeaux. Il essayait de faire en sorte que sa petite créature ne s'échappe pas d'entre ses doigts. Il joua un peu un instant avant de la poser sur les cheveux de son interlocuteur, et elle se roula en boule avant de s'endormir entre les mèches, confortablement installée. « je pense qu'il t'aime bien. »

C'était un fait, sûrement, que Cheshire était incompréhensible. Parfois, quand Mitaine l'écoutait, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il ne comprenait rien du tout. Il se contentait de sourire, les bords de ses lèvres s'éloignant de plus en plus à mesure qu'il entendait les mots qui sortaient de cette bouche un peu magique pour lui. Peut être était-il stupide pour ne jamais rien comprendre, parce que, même si personne ne lui avait jamais dit qu'il était stupide, ils n'avaient sûrement simplement jamais osé le faire. Il était si effrayant, avec sa maigre carrure et sa réputation de dévoreur d'enfant. « Dis-moi... » Il posa son regard sur la femme face à lui, son sourire déformé se fanant peu à peu, permettant à son visage de reprendre une expression un peu plus sérieuse. « ... mon ami ... Danseras-tu le quadrille des homards avec moi ce jour prochain ? » Ses sourcils se froncèrent... La quadrille des homards ? Mais qu'était-ce donc ? Il n'osa pas poser la question, de peur d'être le seul dans tout le monde des Rêves à ne pas connaître cet événement. Il ouvrit un peu sa bouche, hésitant à acquiescer de peur de se retrouver dans une situation tout à fait farfelue, jusqu'au moment où il entendit Cheshire continuer à parler. « ... Sais-tu danser le Quadrille au moins ? » Il savait que ce n'était qu'une simple question, mais il ne pu s'empêcher de rougir, ce qui se traduisait sur son visage par une coloration presque humaine. « non » marmonna-t-il si bas que lui même eu du mal à s'entendre. Il se mit bien droit sur ses pieds, et décida que mentir était sûrement une bonne solution pour ne pas être ridiculisé - il avait si peu l'habitude de se retrouver dans ce genre de cas ! lui qui terrorisait tant les gens que personne n'osait l'approcher... il n'avait pas envie de perdre la seule personne qui lui adressait la parole. Il commença à exécuter une sorte de danse maladroite et ridicule, manquant plusieurs fois de tomber pour montrer qu'il savait danser ce fichu quadrille. « c'est cela, n'est-ce pas ? »